Le festival grandit
«Tout s'est mis en place lors de la seconde édition», poursuit Moritz de Hadeln. En 1970, le festival décroche une subvention fédérale de... 5000 francs. Puis, en 1972, nouvelle étape. «Les deux directeurs du festival de Locarno ont démissionné. On m'a proposé de reprendre le poste. Mais, pour moi, il était exclu de lâcher Nyon. Du coup, nous avons fondé la Société suisse des festivals internationaux de cinéma, pour gérer conjointement les deux événements. Les bureaux étaient basés à Nyon, au-dessus du magasin Manor», explique le Glandois.
Cette association, qui prendra fin en 1977, permet aux deux festivals de prendre de 1'ampleur. «organisation pratique des deux événements était à la charge de chacun. En revanche, les voyages de sélection étaient organisés en commun. Ce qui nous a permis de partir plus souvent à l’étranger», poursuit-il.
Dès les premières années, le binôme programme des films engagés. «Toute l’époque était militante!», rappelle Erika de Hadeln. II déniche des documentaires sur la guerre du Vietnam, la Chine populaire, les pays de 1'Est. Beaucoup de films socialistes, d’œuvres libertaires, II doit parfois négocier avec les autorités nyonnaises pour contourner la censure. II se retrouve même fiché par la Confédération. «Tout le monde voulait savoir si nous étions communistes!», se souviennent les de Hadeln.
Y-a-t-il un médecin dans la salle?
Le festival fut le théâtre de projections mémorables. Mais il en est une qui fut particulièrement marquante et qui témoigne de 1'impact de certains films programmés. «C’était au moment du referendum sur L’avortement, au début des années 70. Nous projetions un documentaire qui montrait l'acte médical. Des femmes s’évanouissaient en voyant ce qui se passait à l’écran! Et les spectateurs criaient: y a-t-il un médecin dans la salle?», raconte 1'ex-programmateur.
En 1977, Moritz de Hadeln renonce à son mandat tessinois. Deux ans plus tard il prend la tète du festival du film de Berlin. Son épouse, celle de la manifestation nyonnaise. Ils font des allers-retours entre l'Allemagne et la Suisse, collaborent pour cofinancer de grandes rétrospectives projetées dans les deux événements. Moritz quittera Berlin en 2001. Erika démissionnera en 1993. Après un an de break, le festival sera rebaptise «Visions du reel». II reprendra de plus belle sous l'égide de Jean Perret.
Aujourd'hui, le binôme se rend toujours au festival. Nul doute qu'il sera présent pour la remise du Sesterce d'Or. La récompense historique du festival qui vient d’être réhabilitée cette année. Q